Laurent Bado : " J’ai été naïf... "

Publié le par Parti de la Renaissance Nationale

L’OBU volera-t-il en éclats ? C’est ce que nous avons titré à la une de notre édition du 18 avril 2005 (cf Bendré n° 336). Plus rien ne va dans ce regroupement de partis politiques « de l’Opposition Burkinabè Unie ». Le tandem Paré-Bado qui entendait jouer sa partition dans le paysage politique burkinabè se disloque à cause de la présidentielle qui s’annonce.

Le président de L’OBU, Emile Paré entend briguer la magistrature suprême. Le vice président et « l’initiateur » de l’OBU, le député Laurent Bado veut lui aussi saisir l’occasion pour prêcher le tercérisme aux burkinabè en se présentant à l’élection. L’heure y est au positionnement et à la démarcation physique

. Si depuis son retour des Etats-Unis en fin avril, Emile Paré n’aurait pas daigné croiser ses camarades, Laurent Bado est actuellement en train de porter les dernières retouches à son discours d’investiture. Au cours d’un entretien « en différé » que nous avons eu avec l’honorable député, il nous situe sur la genèse de la crise, pourquoi on ne l’entend plus comme avant et sur bien d’autres sujets.

Bendré : L’ OBU traverse actuellement une crise. Pouvez-vous nous faire la genèse de celle-ci et nous donner éventuellement les perspectives ?

Laurent Bado (L.B) :Je n’appelle pas ça une crise en fait. Je constate tout simplement que les opposants burkinabè ne sont pas prêts de s’unir autour d’un idéal commun. En effet, j’avais souhaité que toute l’opposition fasse des alliances pour les législatives de mai 2002. Tout le monde était d’accord. On tenait des réunions au siège du PAI/Philippe pour réaliser ce front commun. Mais, à la dernière minute, cela a échoué.

Après les élections, j’ai pris l’initiative de la création du groupe parlementaire « Justice et démocratie ». Par la suite, j’ai encore pris l’initiative de rassembler tous les opposants, d’où la naissance de la COB (NDLR : coordination de l’opposition burkinabè). A partir de novembre 2002, nous tenions des réunions à la Maison du retraité Antoine Nanga.

Le président du Faso ayant annoncé des élections provinciales pour fin 2003, nous avons mis sur pied un Comité pour piloter notre ambition commune. Malheureusement, rien n’a été fait jusqu’en juin 2003 ! J’ai compris que les gens traînent les pieds pour l’union. Je me suis retourné alors vers Emile Paré qui avait quitté Ki Zerbo.

Comme, par le passé, mon parti avait souhaité un regroupement avec le PDP/PS (qui prône le socialisme africain) sans résultat, j’ai pensé qu’avec Emile Paré, je réussirai l’union de l’opposition puisque, le lundi 8 juillet 2002, au jardin du maire à côté de la place des Nations-Unies, je lui avais demandé de rejoindre le PAREN et il avait approuvé puis, le jeudi 26 septembre, chez Madame X à Pissy, il m’avait dit qu’il ne me rejoindra pas tout seul, mais avec du monde et de compter sur sa parole d’honneur.

Le mercredi 9 avril 2003, nous avons décidé d’accélérer le processus de notre unification. Et c’est ainsi que nous avons donné une conférence de presse le mardi 5 août 2003 pour annoncer la création de l’OBU.

Il était entendu que l’OBU donnerait l’exemple de l’union de l’opposition (trois partis nous ont effectivement rejoints !) hors de toutes querelles de leadership et de toute ambition personnelle. Pour témoigner cela, j’ai nommé Paré président de l’OBU en séance publique, après qu’un journaliste nous ait surpris avec cette question : « Qui est le président de l’OBU ? ».

Si je disais que c’était moi, l’opposition allait croire que j’ai toujours recherché l’union de l’opposition pour me faire valoir, pour prendre la première place. Voilà pourquoi j’ai désigné Paré comme président de l’OBU sans consulter personne !

Pour Paré comme pour moi, l’OBU n’avait d’autres ambitions que de donner l’exemple de l’entente entre opposants, éduquer et responsabiliser la masse, proposer au peuple une voie originale de développement. Le programme de gouvernement, de l’OBU, c’est le programme du PAREN !

Donc, il semblait naturel que je sois le candidat de l’OBU à la présidentielle pour faire connaître notre doctrine et notre voie originale de développement de manière à engranger aux municipales de 2006 et aux législatives de 2007.

J’ai été étonné que Paré se dise candidat alors qu’il a dit au début de la rencontre des chefs de parti (ceux-ci ne constituent d’ailleurs pas une structure de l’OBU, donc n’ont aucun pouvoir de décision) que nous n’aurons pas la présidentielle mais que nous allons profiter de la présidentielle pour mieux nous faire connaître ! Est- ce à dire qu’il est mieux placé que moi pour faire connaître notre voie originale de développement que j’ai conçue ?

Voilà le hic ! Je croyais que nous étions sans ambitions personnelles et je m’aperçois que j’ai été naïf. J’ai été d’autant plus naïf que j’avais eu à lui dire qu’après les élections, je prendrai ma retraite en lui laissant un parti fort, un parti ancré dans la conscience collective. A chacun maintenant de savoir à quoi s’en tenir. Une solution sera trouvée dans l’immédiat.

Bendré : Vous semblez décidé à conquérir le fauteuil présidentiel alors que dans certaines de vos déclarations vous faisiez savoir que le pouvoir ne vous intéressait pas.

L.B.Un des arguments de Paré pour sa candidature est que j’ai toujours dit que le PAREN n’aime pas le pouvoir ; que moi, je n’aime pas les postes. Il faut être honnête : en disant que le PAREN n’aime pas le pouvoir, que je ne m’intéresse pas aux postes, j’ai toujours précisé mon idée, à savoir que certains créent des partis en ayant les yeux rivés sur les « sièges » sans rien avoir à proposer au peuple ; ils veulent le pouvoir à tout prix !

Au PAREN au contraire, notre première tâche est de conscientiser et responsabiliser le peuple, lui indiquer une voie de développement ; si le peuple, par la suite, nous fait confiance, s’il nous élit, nous avons les capacités morales et intellectuelles pour gouverner. Cela a été toujours dit et même écrit dans les journaux de la place ! Le PAREN n’aime pas le pouvoir, Bado n’aime pas les postes et pourtant le PAREN a des conseillers municipaux et des députés ? Expliquez-moi cette contradiction !

Je le répète : je ne cours pas derrière les responsabilités comme tant d’autres ; je ne cherche pas, par la politique, à mettre du beurre dans mon épinard. Je cherche à reveiller ce peuple qui dort devant le péril qui menace son avenir socio-économique et si on m’écoute, si on me responsabilise, je suis capable de bien faire, de servir ce peuple.

Bendré : Quelles sont selon vous les chances de l’opposition pour cette élection présidentielle ?

L.B. Ecoutez ; je n’irai pas aux élections dans la rage d’être le prochain président du Faso. J’irai pour faire savoir aux Burkinabè que la « Politique » que je propose vaut mieux que celle qui est menée. Aux Burkinabè donc de choisir entre deux modèles de développement. S’ils confirment la politique actuelle, tant pis, ils en subiront les conséquences ; s’ils optent pour la politique nouvelle que je propose, tant mieux, ils verront le changement qualitatif que je vais opérer avec leur concours.

Bendré : Votre groupe parlementaire Justice et Démocratie a claqué la porte lors de la plénière du mardi 10 mai qui devait proroger le mandat des conseils municipaux. Etait-ce une option pertinente ?

L.B. Voyez les arguments développés par le président Philippe Ouédraogo pour juger de l’attitude de notre groupe parlementaire. Les autres n’ont pas été à l’école avant nous ni plus loin à l’école que nous : nous savons lire entre les lignes !

Bendré : Les gens trouvent que le député Laurent Bado est effacé à l’Assemblée nationale. Qu’on ne vous entend presque pas. Question de tactique ou est-ce un profil bas ?

L.B. Ce peuple doit savoir ce qu’il veut, sinon il restera toujours l’avant-dernier du monde. Je parle, on dit que je suis un bavard ; je me tais, on dit que je suis acheté, que je suis à table. Quelle honte !

Sachez au moins que celui qui travaille ne parle pas. Et je travaille. En dix-huit (18 mois) de législature, j’ai proposé neuf (9) lois à l’Assemblée, toutes rejetées par le gouvernement ! Quelle Assemblée, quel député, durant sa législature a proposé un tel nombre de lois ? Les gens ne voient pas ça ! Ils ne m’entendent même pas quand je prends la parole sur des sujets graves ! J’ai compris ce que les gens attendaient de moi à l’Assemblée : ridiculiser des ministres, humilier les députés de la majorité, bref, transformer l’hémicycle en arène de gladiateurs pour leur plaisir ! Un peu de sérieux tout de même !

Si je m’agitais à l’Assemblée, si je causais mal (on dit que je suis un mal causeur !), ces mêmes personnes ne me considéreront pas comme digne pour être un président du Faso. Dans tous les cas, je ne suis pas bête pour inquiéter les hommes du pouvoir et tous ceux qui vivent de ce régime : ils n’hésiteront point à ... Norbert Zongo a crié sur les toits ; je lui ai dit de se taire ... Il m’a répondu que quand le vin est tiré, il faut le boire ; je lui ai souhaité bon appétit. Vous savez le reste et chacun aujourd’hui est à ses trois « B » (NDLR : Bière, brochettes et b...) quand il est sous terre, laissant veuve et orphelins ! Quand on veut voyager loin, on ménage sa monture.

Bendré : L’intellectuel Bado est-il à l’aise dans l’arène politique ?

L.B. Je ne suis pas un intellectuel ; je suis un homme intelligent, c’est à dire qui comprend, qui réfléchit, qui cherche et qui trouve. Je suis venu en politique pour défendre des idées, confronter les idées et cela, je me sens comme un poisson dans l’eau.

Bendré : Le monde vient d’avoir un nouveau pape en la personne de Benoît XVI. Quelles sont vos attentes ?

L.B. Le cardinal Ratzinger avait déclaré qu’il faut affirmer en toutes lettres qu’une « reforme réelle de l’Eglise présuppose un abandon sans équivoque des voies erronées, dont les conséquences catastrophiques sont désormais incontestables ». Bravo ! Le concile Vatican II a été piégé par les libéraux, les communistes et les franc-maçons. Les preuves sont là. Ces modernistes veulent adapter Dieu à l’homme d’aujourd’hui, ce qui est une erreur, une hérésie.

En conséquence, « des idées sont répandues de tous côtés qui contredisent la vérité qui fut révélée et a toujours été enseignée. Les véritables hérésies ont été divulguées dans les domaines du dogme et de la morale » comme Jean Paul II l’a reconnu.

Il faut une restauration de l’Eglise pour que Jésus revienne trouver la foi, la vraie foi, à son retour. C’est en cela que je compte sur Benoît XVI.

Bendré : Vous vous-intéressez à la doctrine chrétienne. Comment entrevoyez-vous l’avenir du monde ?

L.B. Le monde devient de plus en plus fou ; il va s’auto-détruire et tous les signes sont là ! Quand le mensonge, l’égoïsme, la violence l’emportent sur la vérité, la solidarité, la paix, c’est que les portes de l’enfer sont prêtes de s’ouvrir. Au petit reste d’Israël de ne pas baisser les bras, de sonner le tocsin sans répit.

Interview réalisé par Bangba Nikiema
Bendré

Publié dans Droit de réponses

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