Législatives 2007 : Pourquoi Bado s’en fout de votre vote ?

Publié le par Parti de la Renaissance Nationale

Il s’est fait relativement discret. Mais il n’a pas beaucoup varié sur ce qu’il croit être le bien des Burkinabè. Ces derniers ne l’ont pas toujours reconnu pendant ce mandat de député. On attendait de lui qu’il anime l’Assemblée nationale. " Je l’ai fait, répond-t-il, mais il fallait s’adapter, surtout que le PAREN n’avait pas son groupe parlementaire à lui ".

 

Pour le reste, Bado est constant. Il ne " court pas après les votes ", le PAREN n’est pas un parti de " postes ", mais il souhaite que ses compatriotes lui donnent l’occasion de montrer qu’une autre façon de gouverner est possible. C’est pourquoi, il ne désespère pas de la politique et des Burkinabè. Il n’est plus le président du PAREN, mais prend déjà rendez-vous avec les Burkinabè pour la présidentielle de 2010. C’est le scoop, pour L’Evénement. En attendant, il est candidat au Kadiogo pour les législatives du 6 mai.

 

Quel bilan faites vous de votre passage à l’Assemblée nationale ?

 

Quand j’entrais à l’Assemblée nationale, les journaux de la place avait prévu de la tambouille qu’avec un Laurent Bado, un Maître Sankara, la marmite va sauter. On a oublié que je suis un homme qui s’adapte. L’intellectuel d’un côté et le politique de l’autre. Je suis rentré à l’Assemblée sincèrement et tout le monde l’a constaté, avec un esprit de responsabilité, un esprit constructif. La preuve, c’est que je prenais rarement la parole mais quand je prenais la parole, c’était sur des sujets graves et je parlais très poliment. Tout le monde pouvait constaté que dès que Laurent Bado veut poser une question, dès que je commence à parler c’est le silence total à l’Assemblée et toutes les têtes se retournent vers moi. Je suis venu à l’Assemblée pour jouer le rôle d’un député qui est de voter des lois, de contrôler l’action du gouvernement. Mais j’ai fais beaucoup plus.

 

Vous voulez dire du point de vue législatif ?

 

A l’Assemblée Nationale, mon parti a posé des questions qui intéressaient la vie quotidienne des Burkinabè. Première question importante, comment se fait-il qu’au Burkina, il y ait une justice de pauvres et une justice de riches. Puisque la justice non seulement est lente mais certaines décisions de justice ne sont même pas exécutées. Qui peut nier que quand tu es petit, tu es faible, tu es pauvre, tu es analphabète, tu es une femme, pour pouvoir accéder à la justice, c’est un parcours de combattant ? Mais quand tu es grand, c’est beaucoup plus facile. Quand tu es petit et que le juge te donne raison, pour l’exécution, c’est encore un parcours de combattant.

 

Je donne encore un autre exemple, les opérateurs économiques. Tu as beau déposer un bon dossier, tu es le moins disant, tu es le plus compétent, on s’en va donner ça à quelqu’un d’autre si bien qu’à l’exécution, il y a toujours quelque chose qui ne va pas. Pire, quand on te donne un marché, l’administration ne paye pas le prix après la réception de ton ouvrage, après l’exécution de tes obligations. Mais ça appauvrit une entreprise. Le gouvernement s’était engagé à remédier à cette situation.

 

Je donne un dernier exemple. Comment se fait-il que les cars de transports en commun roulent à plus de 110, 120 à l’heure ? Le gouvernement s’était engagé à faire plomber les cars, il ne l’a jamais fait. C’est pour ça que j’ai interpellé le Premier ministre, la dernière fois dans son discours sur l’état de la nation. Il y a aussi le cas de camions de bois de chauffe. Ce sont des camions sans phares, sans feux, sans freins qui ont tué des Burkinabè. Ils passent devant la police et la gendarmerie et ils continuent de circuler. Je ne comprends pas. Ils ne sont pas au-dessus de la loi. Le gouvernement s’était engagé à mettre systémiquement en fourrière les véhicules impropres à la circulation. Jusqu’aujourd’hui, il ne l’a pas fait.

 

Je peux quand même dire que le PAREN a pensé à répondre aux aspirations de ce peuple. Mais, il n’y a pas que les questions. Le PAREN s’est battu pendant les cinq dernières années pour unir l’opposition. Vous savez très bien que lorsqu’un parti est au pouvoir, s’il n’a pas en face de lui une opposition très forte, bien structurée, c’est l’immobilisme intellectuel, c’est la gabegie, l’affairisme, la corruption. Le PAREN qui sait ça a tout fait pour que l’opposition ait une plate forme commune.

 

Concrètement qu’est ce que le PAREN a fait ?

 

Après les législatives de 2002, c’est le PAREN qui a eu l’initiative de la création du groupe parlementaire Justice et Démocratie. Après la création du groupe, c’est la PAREN qui a eu l’initiative de la Coordination de l’opposition burkinabè (COB). Elle a vécu 8 mois. C’est encore le PAREN qui a créé encore l’OBU (Opposition burkinabè unie). Elle a éclaté entre nos mains. Si vous voyez par exemple les municipales de 2006, le PAREN a demandé que toute l’opposition aille en front commun. Je n’ai pas été entendu. Même ces législatives, j’ai demandé encore que nous allions en commun sur une seule liste sur toute l’entendue du territoire national. On ne m’a pas écouté. Quand même, j’estime sans fausse modestie que le PAREN cherchait vraiment le bien de ce pays.

 

Le PAREN, c’est le seul parti qui ait proposé le plus grand nombre de lois à l’Assemblée depuis la première République. Grosso modo depuis la première République jusqu’à maintenant, il n’y a pas eu une Assemblée qui a proposé elle-même 4 lois. Il n’y en a pas. Quand le PAREN venait à l’Assemblée, il avait 33 propositions de lois dans sa sacoche. Je me suis mis à produire ces propositions de lois. En 18 mois, j’ai déposé 9. Il y a des lois, même si j’expliquais ça, le peuple ne peut pas comprendre. Par exemple, une loi pour renforcer le crédit de l’Etat. Comment je vais expliquer ça à ce peuple ? C’était une façon de dire comment l’administration doit décider pour que ses décisions soient à la fin acceptées par les citoyens.

 

Nous avons proposé un statut pour la chefferie traditionnelle. C’est une bonne loi parce que nous avons constaté que les chefs traditionnels n’ont plus les mêmes avantages qu’ils avaient dans la tradition. Donc beaucoup se mettent dans le CDP (parti au pouvoir) pour avoir leur place. L’honneur sans l’argent n’est qu’une maladie. Et ils obligent leurs sujets analphabètes à voter pour leur parti CDP.

 

Mais la démocratie est confisquée. Il n’y a plus la liberté individuelle. On ne peut pas continuer de cette manière. Donc le PAREN pense que la chefferie coutumière a toujours un rôle et une place irremplaçables à l’heure actuelle du processus de démocratisation. En ce sens que nous sommes dans une phase de passage de la tradition à la modernité. Je vais vous donner des exemples bêtes. Si l’administration dit qu’il n’ y a plus de feux de brousse, elle perd son temps. La Révolution a dit que c’était un crime mais ça continue. Mais si c’est le chef de village qui appelle tous ses sujets et leur dit : je ne veux plus de feux de brousse, c’est beaucoup plus efficace. Si c’est le chef de village qui dit : je ne veux plus l’excision, ça va marcher. Parce 87% de la population vit surtout sur le droit coutumier avant de répondre devant le droit moderne.

 

Qu’est ce que le PAREN a proposé ?

 

Nous avons proposé que les chefs coutumiers soient impliqués dans toutes les actions, les plans et programmes de développement. C’est-à-dire chaque fois que l’administration a un projet de développement, il faut des représentants de la chefferie coutumière. De deux, nous disons que la chefferie coutumière doit avoir des représentants de droit dans les conseils municipaux, les conseils régionaux, conseil économique et social. C’est-à-dire tous les organismes consultatifs de l’Etat.

 

Maintenant, l’Etat doit s’occuper des empereurs et des rois. Ils ne sont pas nombreux. Même s’ils appartiennent à certaines ethnies, c’est quand même le Burkina Faso. Ce sont des valeurs du pays. Donc, le PAREN demande à l’Etat de donner une indemnité de représentation aux rois et aux empereurs, de donner une indemnité de frais d’entretien de leur palais, de s’occuper des frais d’hospitalisation de ces rois. Quant aux " petits " chefs locaux, que ce soient les collectivités locales, les régions, les communes qui leur donnent quelque chose par exemple une indemnité de vélo sur la collecte des impôts et une prise en charge de leurs frais d’hospitalisation. Cela admis, il est alors interdit à tout chef de s’afficher dans un parti politique.

 

Je vais encore vous donner un exemple de bonne loi. Lorsque le PAREN dit qu’il faut criminaliser l’homosexualité, le mariage de personnes de même sexe. C’est parce que tout simplement, on venait de voir qu’au Sénégal, les homosexuels voulaient faire une marche dans la rue. Le ministre de l’Intérieur dit que la loi n’interdit pas ça. Mais tant que lui, il sera ministre, il n’acceptera jamais ça. C’est ce qui a poussé le PAREN à prévoir une loi interdisant l’homosexualité et le mariage de personnes de même sexe. Encore un autre exemple de lois. Je ne vais pas tout citer. Il y en a 9.

 

Le délit d’apparence. Vous voyez Laurent Bado. Vous savez qu’avec ses activités, son travail, il n’a pas plus de 200 000f par mois. Pourtant, Laurent Bado a des villas, il a des voitures, il entretient même des maîtresses. Alors, il faut qu’il aille dire au juge d’où viennent ses ressources. C’est une bonne façon de lutter contre la corruption, la fraude, le banditisme économique. Je vais vous citer un dernier exemple intéressant. Le PAREN a proposé une loi pour renforcer les moyens de contrôle de la fréquentation des débits de boissons par les mineurs de moins de 16 ans. Comment faire pour savoir qu’un tel n’a pas 16 ou 18 ans ? Nous avons trouvé des moyens de contrôle. Toutes ces lois ont été rejetées par le gouvernement.

 

Maintenant, parlons de l’expérience que vous avez capitalisée à l’occasion de votre mandat de député. Est-ce que sur certains points vous avez évolué ?

 

Vous savez pourquoi je me suis lancé en politique ? C’est en France à Bordeaux en plein été, j’étais avec le fils de François Lompo, Guy Lompo, dans un restaurant. Pendant 45 mn, on ne nous sert pas. Les Blancs qui venaient, on courait les servir. Je me suis levé, j’ai dit au serveur : " Nous on est là depuis 45 mn ". Il dit : " et alors ! Vous, c’est qui ? Est-ce que vous ressemblez aux autres ? " J’ai dit : " vous voulez dire quoi ? " Il me dit : " sachez monsieur qu’on ne sert pas les nègres ici ". Je me suis maintenu. Les 8 litres de sang, ça été une goûte de sang qui a fait le tour de mon corps.

 

Regardez toute ma colère et toute ma honte. Je représentais la race noire. J’ai ri jaune. J’ai dit : " monsieur, il suffisait de marquer à la porte, " interdit aux nègres et aux chiens ". Je lui ai dit que je ne peux pas être raciste à cause de ma culture africaine. Je ne suis pas à Bordeaux pour balayer les rues. Je suis en train de préparer un doctorat d’Etat dans sa langue, avec des institutions pas de chez moi. J’ai dit actuellement, je connais les grandes capitales du monde alors que peut-être, lui ne connais même pas Paris qui est à 600kms. Je suis reparti. Juste quand je refermais la porte. Je vois le gars qui court. Je me préparais parce que je croyais que c’était la bagarre. Il me dit : " est- ce que vous pouvez revenir le samedi prochain à la même heure ". J’ai répondu sèchement : " alors vous me verrez ". Ce que je pensais, c’est un rendez-vous d’homme à homme, mano à mano pour me régler les comptes.

 

J’ai interdit à Guy de me suivre. Si je dois mourir, je dois être seul pour la race noire. Je suis revenu. J’étais en tenue de sport. Il est venu et puis il m’appelle à l’intérieur. Il dit : " monsieur, je tiens à vous remercier. Vous avez ouvert mes yeux ". Alors que je me préparais à la bagarre, quand il a parlé comme ça, mes testicules rentraient. Il poursuivit en disant que sa femme affirme que le nègre là est au dessus de lui. Que les hommes sont les mêmes.

 

Imaginez en rentrant dans mon pays, je me suis dit : ce sont les idées qui développent un pays. Je vais rentrer dans mon pays, je ne vais pas faire de la politique parce qu’on va croire que je milite pour moi pour avoir quelque chose à manger. Or, moi je suis un paysan et je vais mourir paysan. L’argent ne m’intéresse pas. Les gloires de ce monde ne m’intéressent pas. C’est ma nature. On ne peut pas la changer. J’ai parcouru toutes les provinces, avec mon véhicule, mon essence pour donner des conférences dans tous les établissements. Et rien qu’à Ouagadougou, je donnais une quinzaine de conférences par an. C’était pour ouvrir les yeux des jeunes.

 

C’est à la dernière minute, des amis m’ont dit que ça c’est de l’intellectualisme. Les paysans ne comprennent pas. Crée un parti politique, le jour que les paysans vont comprendre, on peut faire quelque chose. Et c’est ce qui m’a poussé à créer ce parti politique.

 

Il reste maintenant que votre langage déroute. Ce n’est pas celui qu’on a l’habitude d’entendre des politiques Il y a des gens qui disent que je parle mal. A ceux-là, je les remercie mais je crois qu’ils ne peuvent pas être les arbitres de mes élégances intellectuelles. Et je dis aussi que leurs idées ne sont jamais à la hauteur des miennes. Je ne parle jamais au hasard. Je réfléchis mille fois avant de parler. Et avant de parler en public, je mûris ma pensée mais je reconnais que je peux me tromper parce qu’on est en sciences sociales, pas en sciences exactes.

 

Dans les sciences de la nature, un +un = 2. Mais dans les sciences qui s’appliquent à l’homme, l’homme est ondoyant et divers. C’est la seule différence avec moi. Et j’ai créé le parti en adoptant un style propre à moi. Au lieu de venir mendier les voix des gens en leur disant si vous voter pour moi il y aura ceci, il y aura cela, toi tu es mon parent, moi je dis ton bulletin de vote tu peux le mettre dans ton c... Je n’en ai pas besoin.

 

J’ai un chemin court, sans épines ni cailloux pour développer le pays. Ce chemin est salué par des grands auteurs occidentaux tels que Georges Balandier, Serge Latouche, Philippe Engelhard, Jean Marc Ela...si vous les lisez, vous allez dire que c’est moi qui ait copié chez eux mais comme moi j’ai écrit bien avant eux. Eux tous disent que l’Afrique ne refuse pas le développement mais refuse les modèles étrangers qui ont été conçus pour résoudre une problématique sociale, européenne occidentale. Philippe Enguelhard va plus loin en me rejoignant. Que l’Afrique a besoin d’une économie populaire. Pas de capitalisme privé, pas de capitalisme d’Etat, mais le capitalisme populaire et que chez nous, la solidarité prime sur la liberté individuelle. Voilà ce que j’ai fait à l’Assemblée. Mais j’étais limité parce qu’on était 8 partis réunis pour former le groupe parlementaire.

 

Toi tu ne peux plus afficher ta personnalité. On fait ce qui peut plaire à tout le monde. C’est pour ça que pour ces élections, si on avait la chance d’avoir 10 députés, on allait avoir la personnalité du PAREN. Les gens auront de nos nouvelles. C’est pour ça qu’on s’est jeté encore dans la bataille. On sait que c’est rude, que le peuple est lent à comprendre. Mais nous avons du courage.

 

Justement, nombre de personnes ne comptaient plus vous voir en politique après la décision de vous retirer de la direction du parti. Les gens ont-ils mal lu votre décision ?

 

A la création du parti, j’ai dit aux gens, le parti n’a qu’un seul objectif pour le moment. Conscientiser, responsabiliser les citoyens. Le pouvoir, on s’en fou. Parce que le jour où chaque Burkinabè sera citoyen conscient et responsable, qu’il ne laissera pas d’autres décider pour lui, qu’il dira ce qu’il pense de la marche du pays donc que librement, consciemment et de façon responsable il va choisir ses dirigeants, c’est là qu’il y aura de l’espoir. Conséquence, j’ai dit aux gens d’accord pour créer un parti politique, mais je donne 5 à 6 ans en ce qui me concerne. Au bout de cela, j’aurai fait la conscientisation.

 

Ça fait déjà 25 ans que je le fais au niveau des scolarisés. Alors je peux me retirer. Parce que les postes ne m’intéressent pas. On a créé le parti en 1999. Au congrès de 2002, j’ai dit aux gens, je m’en vais comme fonctionnaire à la retraite en 2005. Or ma retraite je la prends au village. Pas pour rester à Ouagadougou. Je suis un bon cultivateur qui aime les champs et la nature. Je vais aller cultiver et préparer ma mort. Parce que j’ai un seul projet c’est de réussir ma mort. J’ai dit aux militants en ce moment, je ne pourrai plus diriger utilement et efficacement le parti.

 

Donc je vais prendre une nouvelle équipe pour diriger le parti. Il s’est trouvé qu’en 2005, le gouvernement a prorogé l’âge de départ à la retraite. Mais si je dis, je reste, il y a des gens par exemple, vous les journalistes j’en connais qui, quand on parle de Laurent Bado, ils ont l’hypertension, vont raconter que je suis un faut type, que je mens que je n’ai pas donné le parti à quelqu’un. Donc j’ai dit qu’il faut être logique. Comme j’ai dit qu’en 2005, je laisse une autre équipe je m’en vais, même si c’est en 2008 que je dois partir. Mais cela ne veut pas dire que j’abandonne mon parti. Qui peut aimer ce parti mieux que moi qui l’ai créé ?

 

Moi qui me suis dépensé physiquement intellectuellement, financièrement et matériellement. Personne ne peut se comparer à moi. Je sais de quoi il s’agit. Mais il faut penser chaque fois à la relève. Je ne veux pas le sort de KI Zerbo. Il l’a dit, il a été sorti et non pas un sortant. On l’a poussé à la porte. Moi je veux pendant que Dieu me donne la force, voir des jeunes qui prennent mon parti qui le dirigent et je les conseille. Comme ça, quand je vais mourir, alors que moi je pensais mourir, (ça fait déjà 20 ans que chaque fois je pense mourir le 31 décembre et ça ne vient pas), maintenant j’ai 62 ans.

 

Je suis prêt de la mort. Je veux que mon parti soit dirigé et que sans moi, le parti puisse continuer le travail. C’est la raison pour laquelle, démocratiquement, on a proposé une nouvelle équipe. Pendant ces 3 ans, que je serai toujours à Ouagadougou, avec cette réserve que pour les décisions du bureau qu’on demande quand même mon avis. Ça c’est normal. Nous sommes en Afrique. Le parti est lié à la personne. Si moi je dis aujourd’hui que je ne veux plus le PAREN, ils n’ont qu’à se retirer tout de suite et se reposer. C’est moi qu’on est obligé de voir. Pas les autres. Or je veux les aider justement. Parce que je veux faire comprendre au peuple que c’est un parti d’idées, pas un parti d’individus. Voilà pourquoi j’ai donné le parti à d’autres mains. C’est moi qui aime le parti et qui travaille dans ce parti et c’est pourquoi je suis encore candidat au Kadiogo.

 

Il y a quelque chose qui parait contradictoire aux yeux des Burkinabè. Comment peut-on prêcher "je ne veux pas le pouvoir, ça ne m’intéresse pas" et faire la politique ? cela parait quand même paradoxal pour le commun des Burkinabè. Expliquez-nous.

 

Oui c’est vrai, il y a un décalage. Ils ne comprennent comment je peux dire que je ne veux pas le pouvoir et je suis candidat, ils devaient se poser la question. Alors que dans mes discours, je leur dis la première des choses pour nous, c’est d’ouvrir les yeux à nos parents qui ne comprennent rien. Donner un message. Montrer notre façon de développer rapidement le pays. Si maintenant entre temps à chaque élection nous y participons c’est pour voir si notre message est reçu ou pas. Mais si le peuple adhère à nos idées et nous porte au pouvoir, nous avons les capacités morales et intellectuelles pour l’exercer.

 

Autrement dit, il y a des gens qui sont à la tête de partis politiques et ces partis visent uniquement le pouvoir et les privilèges du pouvoir sans même avoir les capacités morales et intellectuelles pour l’exercer. Or, nous nous disons que pour bien gouverner, il faut avoir un peuple digne de son nom. Des citoyens qui savent ce qu’ils font, qui discernent. Sans la conscientisation et la responsabilisation des citoyens, on a une fausse démocratie. Donc, si chacun prenait le temps de réfléchir entre deux bières, il n’allait pas trouver une contradiction.

 

Parce que nous, on ne peut pas s’engager, se présenter à une élection présidentielle et dire qu’on ne veut pas le pouvoir. Non le pouvoir n’est qu’un moyen pour nous de mettre en application notre programme. Mais la première tâche, c’est d’ouvrir les yeux des citoyens pour qu’ils puissent désigner les gens les plus compétents, les plus droits, les plus honnêtes, qui vont travailler avec les centimes et les milliards du peuple à l’amélioration des conditions de vie des citoyens. Donc, il n’ y pas de contradiction. Et la preuve je suis encore candidat. Et je vous dis déjà, vous avez la primeur je prépare déjà l’élection présidentielle de 2010.

 

Merci de la primeur. Mais je reviens sur la question des valeurs toujours pour un parti comme le vôtre, dans un échiquier politique complètement dévoyé. Vous parlez valeurs, les autres vous répondent argent. Dans ces conditions, comment peut-on toujours faire la politique ?

 

Eh bien, je compte sur la transformation mentale. Au Burkina Faso, ne l’oubliez pas 50% de la population a moins de 15 ans révolus. Donc le corps électoral est à près de 80% des jeunes. Et ces jeunes connaissent le chômage, la misère, le désarroi, le désespoir. Avec le temps, eux ils vont comprendre. Ce n’est pas parce qu’on est venu me donner une moto, me donner un tee-shirt, me donner un pagne pour les femmes, mais ils vont comprendre qu’on les achète. Si bien qu’ils sont leur propre bourreau et les croque- morts de l’avenir de leurs propres enfants. Ça déjà, rien qu’à Ouagadougou les gens commencent à comprendre ça. On les vole, on les trompe, on les achète tout le temps. Trop c’est trop ils vont maintenant voir.

 

Donc moi, je ne m’inquiète pas pour ça. Je n’ai pas dit pour aujourd’hui, pour le 6 mai, mais je sais que plus le temps passe, plus le corps électoral comprend qu’on le drible, qu’on se joue de sa gueule. A la campagne présidentielle de 2005, j’ai dit au peuple que s’il refuse le chemin de développement du PAREN, les portes de l’enfer vont s’ouvrir devant eux. A peine terminée, on avait augmenté la scolarité, alors que nous recevons au titre de PPTE 27milliards FCFA pour l’éducation. Du coté américain, au titre des Fast track 17 milliards par an ça fait 44 milliards et on augmente la scolarité. Ce sont les pauvres qui souffrent. Le peuple va comprendre qu’il se fait un mouton et c’est lui-même qui est son propre bourreau. Et le PAREN compte là-dessus.

 

Il faut donner du temps au PAREN. Les jeunes souffrent, les étudiants n’ont rien. Les fonctionnaires dès le 15 du mois, il faut chercher un commerçant pour 10 kilos de riz. On est là dans les statistiques que tout va bien alors que réellement l’argent qui rentre au Burkina, on ne le trouve pas dans la poche du petit citoyen. Donc le PAREN n’a pas peur. Pour nous, c’est éduquer le peuple, lui faire comprendre que c’est lui le propriétaire du pouvoir. Il n’y a pas un grand dans la démocratie. C’est le peuple qui fait de toi un grand, un serviteur du peuple. Mais si tes résultats sont nuls, on doit te chasser et te faire remplacer par d’autres personnes.

 

Je veux que vous réagissiez sur les événements de ces derniers temps. Il y a eu d’abord le 21 décembre avec les militaires et récemment l’affaire dit des Kundé. En tant qu’homme politique, comment vous interprétez ces événements ?

 

C’est tellement clair. Le ras le bol. Les militaires ont la chance. Ils tiennent nos armes et ils s’expriment avec les armes du peuple. Les jeunes l’ont fait uniquement pour montrer qu’il n’y a plus d’Etat. Il n’y a pas d’autorité. N’importe qui fait du n’importe quoi dans notre pays. Les voleurs sont à l’aise. Le Burkina est le seul pays, où plus tu voles, plus tu joues au dindon de Goundi dans la cour nationale. Et quand tu veux critiquer, ce sont ces voleurs qui disent que tu es jaloux, aigri. Moi je n’arrive pas à comprendre. Un voleur qui trouve que tu es aigri parce qu’il vole. Ce sont les portes de l’enfer dont j’ai parlées qui s’ouvrent. Est-ce que vous savez comment elles vont s’ouvrir davantage ?

 

L’Assemblée nationale vient d’élever des impôts sur tous les corps de métier. Tu es vendeuse de fruits et légumes, tu es imposée. Le bois de chauffe à 120f le tas là tu es imposé. Les coiffeurs les boutiquiers, les tailleurs, les tenants de kiosque, les blanchisseurs, les coiffeurs ambulants ou de salon tout a été augmenté. C’est le peuple qui va souffrir. Tant pis pour ce peuple s’il ne veut pas comprendre.

 

Parlant de jeunesse, plusieurs partis ont présenté des étudiants cette année comme candidats aux législatives, est- ce le cas chez vous ?

 

Nous avons parmi nous, quelques étudiants comme par exemple une que je tiens à soutenir réellement. Une jeune fille qui est tête de liste à Dori. Mais vous connaissez le problème pour les partis pauvres, beaucoup de femmes n’aiment pas lutter dans ces partis. C’est une triste réalité. Alors que la femme au Burkina Faso, elle est avec l’âne, les deux esclaves méprisés de notre société. Est-ce que vous savez que la femme travaille beaucoup plus que l’homme au Burkina. Est-ce l’enfant demande la nourriture à son père, c’est à sa mère. Donc la femme souffre aujourd’hui. Mais c’est elle qui se laisse acheter. Elle s’en va dans les partis où elle peut trouver des pagnes.

 

Mais elle oublie que ce n’est pas ça qui va la guérir, qui va soigner ses maux, qui va aider ses enfants. C’est pour ça que j’ai un langage cruel vis-à-vis de la femme. 52% des Burkinabè sont des femmes. Si les femmes prennent conscience qu’elles souffrent beaucoup et qu’elles tiennent à l’avenir de leurs enfants, elles allaient voter pour des partis d’idées, de droiture morale et de compétence technique. Il y a une organisation qui est venue me dire, il faut qu’il y ait des femmes sur tes listes. Je leur ai dit, donner moi ces femmes. Je vais aller prendre une femme chez son mari pour dire rentre dans mon parti ? Je dis vous avez réfléchi un peu ? Réfléchissez-là. Ce sont les femmes qui doivent s’engager elles-mêmes. Il y a beaucoup de femmes aux CDP. Mais pas chez nous.

 

Quand vous faites votre bilan, est-ce qu’il y a des points sur lesquels vous pensez qu’il y a eu faillite ? Deux exemples : en 2000, vous avez eu une mairie à Réo pour laquelle l’expérience n’est pas partie jusqu’au bout. Vous avez eu aussi des députés en 2002 avec lesquels vous n’avez pas pu terminer la législature. Est-ce que vous pensez avoir une part de responsabilité ? Est-ce un échec ou comment vous qualifiez cela ?

 

Mais non, vous connaissez la situation de notre pays. Pourquoi il y a 114 partis. Ce ne sont pas des partis politiques. Ce sont des Warriors, des predators, des exterminators, des gars qui cherchent la courte échelle pour monter et bouffer. Quand vous prenez la mairie, le maire qui était là, c’est quand j’allais à Réo, il me suivait chaque fois jusqu’à être candidat. Mais, comme je ne faisais pas la politique, je ne savais pas que c’est un militant du CDP déchu par le CDP. Mais c’est lui qui a négocié avec une fraction du CDP. Ils ont fait un contrat.

 

Ils n’ont pas été capables de me dire qu’il y avait un contrat. Et dès qu’il a été élu maire, il ne voulait plus me voir. Si bien que ses compagnons ont trouvé que c’était un dictateur, qu’il les informait de rien. Il gérait les choses tout seul. Conséquence, il y a eu la déchirure. Ce n’est pas la faute au PAREN. Quand vous prenez mes trois députés, ce n’est pas la faute au PAREN je ne connaissais pas ces trois individus. Prenez un Dema Raphaël, un gendarme. Il était suppléant, de Bayili Daouda ministre. Quand le ministre est revenu prendre sa place à l’assemblés il était obligé de repartir.

 

Quand j’ai créé mon parti, c’est lui qui est venu à la maison me dire qu’il ne voulait plus jamais faire de la politique, que mais comme c’est son frère qui a de bonnes idées, il va le soutenir. Il a même ajouté financièrement. Moi j’ai cru. Quand je prends Wenceslas, je suis parti donner une conférence à Bobo. On me dit qu’il y a un banquier qui m’attend dehors. Il m’invite dans un restaurant et je m’en vais. Arrivé, il me dit, j’ai jeûné pendant trois jours avant de prendre la décision de faire la politique et de rejoindre le PAREN.

 

Moi je suis un croyant. Un croyant qui dit, qu’il a jeûné pendant trois jours, je lui ai fait automatiquement confiance. C’est normal, je ne suis pas naïf. Je ne suis pas le bon Dieu pour savoir que celui qui me parle est un faux type. Moi mon principe ; celui qui est devant moi, soit il est mon égal, soit il est supérieur à moi. J’apprends chez les autres. C’est ça qui me joue des tours avec ce peuple burkinabè, ces cadres burkinabè. La dame-là vous la connaissez. C’était d’ailleurs une de mes élèves.

 

Tous ces gars étaient au CDP depuis longtemps. Wenceslas était candidat en 97. C’est le CDP qui a rejeté sa candidature. Ils sont venus au PAREN et une fois à l’assemblée Wenceslas, Dema et la femme sont partis négocier leur retour au CDP. C’est le CDP qui leur a dit, vous pouvez aller partout sauf chez nous parce que nous respectons le PAREN. Voilà comment les choses sont arrivées. Moi je n’appelle pas ça un échec. Nous sommes droits, honnêtes. C’est pour ça, on me critique que je ne cache rien. Moi ma vie publique, je ne vais rien cacher. Ma vie privée, c’est différent.

 

La vie privée des autres tu me confies, ça c’est différent mais quand c’est public, automatiquement. Chaque jour, avant de m’en dormir, je remplis tout un journal. Qui est venu me voir ? Qu’est ce qu’il m’a dit ? Qu’est ce que j’ai répondu. Je le fais depuis mon CMI. Conséquence, quand je vois des vieux et des vieilles, ah mon fils donnent moi ça, je reconnais. Je dis je vais commencer par ceux qui m’ont donné des galettes ceux qui m’ont donné une ceinture, ceux qui m’ont donné un plat. Je dis moi j’ai leur liste. Je viens de loin moi. Je suis très méthodique.

 

On ne peut pas me prendre comme ça et puis m’accuser. Tout est détaillé. Dès que tu pars, je prends mon journal et je lis. Voilà ce qui a été dit. C’est pour ça, qu’il y a des gens ici, s’ils veulent faire le malin je les tue tout de suite. Je ne vais pas parler au hasard. Tel jour, telle heure. C’est comme ça je vis depuis des années n

 

Interview réalisée par Newton Ahmed Barry & Moussa Zongo

 

L’Evénement (www.evenement-bf.net)

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